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Site sur Cendrillon
22 février 2008

Freud et Cendrillon chez Perault

Introduction

Bruno Bettelheim analyse les contes en ce qu'ils peuvent être une représentation de la psyché des enfants. En s'appuyant sur les étapes élaborées par Freud, il parvient à trouver les symboles mettant en évidence la relation entre réel et imaginaire chez le tout petit. Ces contes vont être pour lui une manière d'accéder à ses représentations inconsciemment. Il va par le biais de l'imaginaire et du symbolique montrer qu'il existe une connivence entre monde réel et monde imaginaire. L'enfant va pouvoir décharger, extérioriser, rendre conte de ses impressions, de son point de vue sur ses parents par exemple. Ses angoissent, ses chimères vont être symbolisées par les mésaventures des héros et pourront donc être exprimées sans craindre d'être réprimés. Son père ou sa mère, conformément à la vision freudienne (cf. oedipe) vont prendre des figures menaçantes et être perçus comme rivaux.

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1-La menace:

Dans tous les contes, les héros subissent des épreuves. "Pour qu’il y ait conte de fée, il faut qu’il y ait menace,

une menace dirigée contre l’existence physique du héros, ou contre son existence morale.” (B.Bettelheim, psychanalise des contes de fées, 1976).


A la base du conte, la menace permet l'intrigue, elle permet également qu'il y ai résolution. Dans le conte de Charles Perrault, la menace est incarnée par la belle mère, parfait par les deux soeurs. En effet, dès le début du conte, il est dit que la marâtre est « la plus hautaine et la plus fière [...] elle ne put souffrir les bonnes qualités de cette jeune enfant, qui rendaient ses filles encore plus haïssables ». On peut associer facilement ce personnage au complexe d'oedipe puisqu'elle domine son mari « le gouvernait entièrement ». Ainsi, Cendrillon voyant son père, un « Gentilhomme », ainsi traité n'en est que plus impuissante et malheureuse. D'autres version antagonistes de celle ci procèdes radicalement au meurtre de cette rivale et a la punission des deux soeurs. Basile dans (Pentamerone I,6) La Gatta cennerentola (chatte des cendres) procède au meurtre de la marâtre et les frères Grimm font aveugler les soeurs par les pigeons de Cendrillon. Par conséquent il va falloir trouver une issue pour que Cendrillon cesse d'être ainsi traitée. L'intrigue peut enfin démarrer.


2-La séparation:

La séparation constitue généralement l''épreuve initiale. Souvent il s'agit de la mort d'un parent. Quelque soit l'origine de la séparation, B.Bettelheim insiste sur le fait qu'elle participe de l'émancipation du héro, "la nécéssité de devenir soi même". Selon Marie-Louise von Franz; me voyage émancipateur qui nait de la separation représenterait plutôt d'une "descente vers l'inconscient".


A l'origine de la menace, il y a une séparation. Souvent il s'agit de celle de l'enfant, du héro et de ses parents ou d'un d'entre eux. Cette séparation plonge le héro dans une mélancolie permanente qui ne fait que rendre la situation qu'il vit encore plus pénible à ses yeux, puisqu'éloignée de sa situation passée. Dans Cendrillon cette séparation est double. D'une part c'est la mort de la mère qui de surcroît était « la meilleur personne du monde », d'autre part l'éloignement d'avec le père dont on n'entendra pas du tout parler au cours du conte, sans doute mis à distance par la marâtre qui le domine. En remplacement de la disparition de la mère et de la disparition intradiégétique du père, il faut un adjuvant, ce sera la marraine. Elle fera office de mère pour soutenir et aider la jeune fille dans la réalisation de ses désirs. Il y a donc deux personnages de mère qui loin de se compléter vont s'annuler de telle sorte qu'on ne mettra en évidence que l'élévation sociale de Cendrillon (sous entendu, elle est parvenue jusqu'ici a force de gentillesse et par ses propres moyens).

Cette séparation permet au héro de « devenir soi même », acteur de sa propre destinée. C'est l'envol vers l'autonomie recherchée inconsciemment par l'enfant.


3- Appauvrissement et humiliation:

Destinée à mettre en emphase la souffrance face à la distance , l'humiliation du héro, ou son appauvrissement

renvoi au regret du passé, notamment de la perte.


L'appauvrissement est utilisé dans le but d'insister sur la distance face à la séparation, aux regrets. Il ont pour but principaux la plainte, c'est à dire la compassion du lecteur enfantin face à un personnage désoeuvré à qui il arrive tous les malheurs du monde. C'est tout à fait ce que nous retrouvons chez Cendrillon. Humiliée par tous et toutes, son seul adjuvant sera sa marraine (et tous ses animaux chez Grimm). Elle doit conjuguer les corvées sans jamais se plaindre et ne pas répondre aux attaques et au dédain de ses soeurs.« elle la chargea des plus viles occupations de la maison: c'était elle qui nettoyait la vaisselle et les montées, qui frottait la chambre de Madame et celles de Mesdemoiselles ses filles ». De plus, en son père elle aurait pu trouver un adjuvant mais loin de là. Elle semble plutôt avoir peur de lui, « il l'aurait grondé » si elle avait été lui raconter sa souffrance. C'est donc une jeune fille incomprise de son propre père. Cette violence faite à Cendrillon va lui imposer de se surpasser pour évoluer. L'humiliation c'est donc aussi l'affirmation de soi. Plus la violence sera importante et plus les qualités du héro seront mises en avant. Cendrillon devra faire preuve de discrétion et prendre sur elle le temps que le vent tourne.

A cette situation décrite est ajoutée une situation symbolique. Elle ne dort pas comme les autres mais seule en haut d'une tour. C'est un éloignement symbolique. Cendrillon est différente tant dans l'acte, dans sa destinée que dans les faits: «Elle couchait tout au haut de la maison dans un grenier, sur une méchante paillasse. ». A cela l'auteur ajoute tous les qualificatifs nécessaires à la plainte « pauvre fille [qui]souffrait » et, le plus important, un nom représentatifs de la situation vécue. On constate donc que Cendrillon ne porte pas ce sobriquet par hasard. Au départ nommée Cucendron, ce sont ses soeurs qui lui donneront ce surnom. Directement lié aux cendres (s'asseoir dans les cendres »), elle est également liée à tout la symbolique de celles ci. Depuis la Bible et L'Odyssée, les cendres sont symbole d'humiliation et de pénitences: Jeremie se roulant et Ulysse assis dans les cendres. Les pères de l'église montrent les pénitents se couvrant la tête de cendres ou vivant dans la cendre.

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4- La récompense:


Elle marque généralement le retour à l'ordre établit. Soit la retrouvaille entre l'enfant et  ses parents. C'est aussi

souvent la rencontre avec le bonheur ultime par l'amour. Quoi qu'il advienne, l'épreuve sera toujours surmontée:"Tel

est exactement le message que les contes de fées, de mille manières différentes, délivrent à l’enfant : que la lutte contre les graves difficultés de la vie est inévitable et fait partie intrinsèque de l’existence humaine, mais que si, au lieu de se dérober, on affronte fermement les épreuves attendues et souvent injustes, on vient à bout de tous les obstacles et on finit par remporter la victoire."(B.Bettelheim).


«Enfin l'heureux jour arriva ». Voilà comment est décrit le début du bal dans le conte de Perrault.

Les épreuves, les menaces, l'appauvrissement et l'humiliation vont enfin trouver leur consolation dans la fin heureuse. Soit l'enfant abandonné retrouve son foyer, soit ils sont sauvés inextremisse par un tiers. L'idée principale est que quelque soit le conte, les déboires et les dégradations constituent un apprentissage et ne sont donc que temporaires. Cendrillon trouvera son bonheur dans l'amour et l'élévation sociale. Notons que le mariage comme récompense finale est totalement hasardeux puisqu'il ne témoigne pas d'un désir de base chez Cendrillon. Son désir de base étant simplement d'aller au bal. Quoi qu'il en soit, les malheurs sont résolus."Tel est exactement le message que les contes de fées, de mille manières différentes, délivrent à l’enfant : que la lutte contre les graves difficultés de la vie est inévitable et fait partie intrinsèque de l’existence humaine, mais que si, au lieu de se dérober, on affronte fermement les épreuves attendues et souvent injustes, on vient à bout de tous les obstacles et on finit par remporter la victoire."

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5- Différenciations:

D'une manière générale on peut remarquer que les épreuves évoluent en fonction du sexe du héro. Cela renvoi aux coutumes de l'époque du conte, au représentations établies. Par exemple, la femme ou jeune fille s'occupera des taches ménagères et peuvent prendre une tournure positive. Ces stéréotypes comme on les appelleraient aujourd'hui sont autant de témoins de l'époque de la rédaction.

« c'était elle qui nettoyait la vaisselle et les montées, qui frottait la chambre de Madame et celles de Mesdemoiselles ses filles ». Ceux ci peuvent parfois trouver un aspect positif. Cendrillon va trouver dans les tâches domestique un moyen d'exister. Puisqu'elle n'a pas de rôle apparant, de soutient physique, de gens à aider ou a consoler (comme avec les animaux chez Grimm), elle sera la bonne à tout faire.


Conclusion:

B.Bettelheim nous permet donc de voir que les contes sont fondés de multiples signes distinctifs qui permettent à l'enfant auditeur et surtout à l'adulte lecteur de considérer l'histoire comme un support d'illustration de la psyché. Le parcours de la cendre au trône chez Cendrillon est d'une manière générale l'illustration de la réussite, de l'automatisation et de l'assouvissement de désirs imperceptibles. Les contes vont nourrir l'affectivité de l'enfant et le rassurer.


 

Ouvrages consultés:

B.Bettelhiem, Psychanalyse des contes de fées, 1976

Freud L’intervention dans les rêves du matériel des contes de fées, 1913

C.Magnien, Introduction notices et notes aux Contes de Chalres Perrault, 1990

 

Image 1 introduction, Gravure Gustave Doré 1863.

Image 1 humiliation, Gravure Gustave Doré 1863.

Image 1 récompense, Gravure Gustave Doré 1863.

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